L'ESS est-elle soluble dans la performance?

23ème Café des bonnes pratiques des organisations de l'ESS, 13 octobre 2011

 

Introduction

Introductions de:

 

  • Christophe Dunand: brève introduction des enjeux "comment faire valoir les effets sociétaux des entreprises ESS?"
  • Paola Ciocia: présentaiton en 5' de son étude intitulée "L'impact économique et l'utilité sociétale des entreprises d'insertion: le cas de Réalise"

 

Selon les normes comptables qui s’imposent aux entreprises de l’ESS (RPC 21), le rapport de performance renseigne sur la capacité de rendement (efficacité) et la rentabilité (efficience) de l’organisation. Nous nous trouvons donc dans le droit fil de la gestion d’entreprise « managériale », qui fait passer par le trou de souris de l’évaluation quantitative une chose éminemment qualitative : l’utilité sociale d’une entreprise.

Pour l’entreprise ESS, rendre compte publiquement de ce qu’on fait, comment et pour qui, est un devoir social revendiqué sans avoir attendu l’ère de la « nouvelle gestion publique ». Ce n’est donc pas ce principe qui est en cause, mais la façon de le traduire en pratique. Comment mesurer la performance d’une utilité sociale ? C’est de cela que nous vous invitons à venir discuter le 13 octobre, et ce sera aussi l'occasion de débattre sur la manière de rendre compte de l'utilité sociale des organisations de l’ESS.

Document utile à la réflexion:

Le Baromètre des indicateurs de progrès des entreprises de l’économie sociale et solidaire  (BIPESS) - (document de travail) http://www.bipess.fr/referentiel.htm

Nous avons demandé aux participants d’apporter leurs expériences et réflexions, en se posant notamment les questions suivantes :

 

  • Avez-vous été confrontés à la problématique de la performance dans votre entreprise ?
  • Si oui, était-ce une exigence interne ou une exigence imposée de l’extérieur ?
  • Comment avez-vous posé le problème, comment avez-vous organisé le débat et à quelles conclusions avez-vous abouti ?

 

Synthèse

 

Présents : 19 personnes représentant 10 entreprises ESS 

En introduction, Christophe Dunand (Réalise) brosse le décor dans lequel la mesure de la performance s’insère. La nouvelle gestion publique (NGP) a conduit à la marchandisation du social, par l’intermédiaire des contrats de prestations et des indicateurs qui lui sont attachés, permettant à la fois évaluation et contrôle. Dans ce contexte, la performance équivaut à l’atteinte des objectifs, par une mesure quantifiée qui réduit l’organisation à ses prestations et leur mode de production. Or, pour nous dans l’ESS, les prestations ne sont qu’un moyen et non une fin. Pour ne pas se laisser broyer par la machine à évaluer, il nous faut trouver un biais, une solution transitoire.

Paola Cioccia (L’Orangerie) offre un début de réponse. Par ses effets, ses externalités sociétales, l’entreprise ESS a une utilité sociale. Chaque entreprise devrait donc identifier en quoi consiste son utilité sociale et analyser sa performance par rapport à ce référent. Par exemple, dans l’étude qu’elle a faite pour Réalise, 4 dimensions de cette utilité sociale ont été identifiées : politique, économique, socio-sanitaire et environnementale.

Dans le débat qui suit, plusieurs intervenants rappellent la charge bureaucratique que les effets de la NGP imposent aux entreprises ESS subventionnées, et cela pour une production de tableaux de chiffres mal conçus et de rapports pas lus. En réalité, tous ceux qui ont été soumis au contrat de prestation et l’ont pratiqué sont convaincus que les indicateurs de performance sont une mauvaise réponse à la question : faisons-nous du bon travail ? Ils ne mesurent pas ce qu’il faudrait mettre en évidence et ils coûtent du temps (et de l’argent !) à ceux qui doivent les établir comme à ceux qui les reçoivent et sont censés les utiliser (le font-ils et pour quoi faire ?). Dès lors, comment sortir de cette impasse, comment ne pas se laisser acculer à centrer l’attention des financeurs comme des prestataires sur ce qui est une description tronquée de la réalité de l’ESS ?

En suivant les propos introductifs de Christophe et Paola, plusieurs pistes ont été évoquées au cours de la discussion, qui mériteraient d’être explorées plus avant :

 

  • D’abord faire la critique de la définition de performance communément appliquée aux entreprises marchandes. Une partie (parfois la plupart) de l’activité des entreprises ESS ne se mesure pas en termes économiques mais en termes sociaux, d’où la nécessité de recourir à des évaluations qualitatives.
  • L’utilité sociale ne peut pas s’appréhender de façon uniforme (au moyen d’un seul instrument standard) à travers tout le champ de l’ESS car elle prend des contours propres à chaque entreprise.
  • L’utilité sociale s’évalue rarement par la mesure quantitative des biens ou des services qu’elle produit, mais plus souvent par les effets indirects engendrés par cette production (développement durable, participation citoyenne, protection environnementale, lien social, dignité humaine, …etc.).
  • Chaque entreprise ESS doit identifier la liste de ses apports favorisant une meilleure vie sociale et en répertorier les indices (en langage NGP, les indicateurs), afin de constituer un dossier convainquant.
  • Un tel dossier permettrait de mener une campagne d’information, de communication, et offrirait un instrument pour persuader les financeurs que la performance réelle des entreprises ESS ne s’évalue pas seulement par une mesure quantifiable de leurs activités immédiatement visibles, mais aussi par les effets sociaux indirects de tout genre que cette activité produit.
  • Cet effort de communication sur l’utilité sociale des entreprises ESS a moins de chances d’aboutir s’il est conduit isolément entreprise par entreprise. Il devrait s’appuyer sur une campagne de communication menée collectivement par APRÈS-GE au nom de l’ensemble du champ de l’ESS. Il s’agit là d’un effort de longue durée car il ne faut pas s’attendre à ce que l’opinion publique, les milieux dirigeants du privé ou les forces politiques dominantes soient d’emblée convaincues.
  • Une autre façon pour APRÈS-GE de soutenir ses membres et de mutualiser les efforts consisterait à élaborer un canevas, une méthode pour construire un dossier montrant l’utilité sociale particulière à chaque entreprise membre. Selon le principe de gestion démocratique et participative inscrit dans la Charte d’APRÈS-GE, cette démarche irait de bas en haut en formalisant le savoir latent que les collaborateurs amassent dans leur travail quotidien.
  • A cet effet, APRÈS-GE peut songer à deux mesures pratiques : créer un groupe de travail chargé de piloter ce dossier et organiser un laboratoire pratique de ½ journée réunissant un panel d’une quinzaine de membres d’APRÈS-GE représentatifs de ses divers secteurs d’activité.

 

Synthèse des bonnes pratiques (des recommandations émises au cours du Café)

 

  1. Critiquer la définition marchande du concept de performance.
  2. Défendre et propager la notion d’utilité sociale comme dimension de la performance dans l’ESS.
  3. Montrer en quoi un instrument unique standard d’évaluation de l’utilité sociale est inopérant.
  4. Construire un canevas méthodologique à l’usage des membres d’APRÈS-GE qui facilite la constitution d’un dossier (dé)montrant l’utilité sociale de chaque entreprise.
  5. Constituer un groupe de travail au sein d’APRÈS-GE chargé de piloter ce dossier.
  6. Organiser une demi-journée de travail (laboratoire) pour lancer l’affaire.

 

 

 

 

A propos

Date de parution:
mer, 21.12.2011 - 17:02
Thématiques: 
Citoyenneté
Cohérence/Déontologie/codes de conduite
Emploi/Chômage/Insertion

Partager