Entreprises de l’ESS : coupables de concurrence déloyale envers le marché ?

16ème Café des bonnes pratiques des organisations de l'ESS, 2 mars 2010

 

Introduction

par Christophe Dunand, directeur de Réalise

Lorsqu'on est une entreprise de l'économie sociale et solidaire qui vend ses prestations sur le marché, il est fréquent de s'entendre accuser de concurrence déloyale. Finalement, que l'on touche des soutiens financiers publics ou pas, le simple fait que l'on soit à but non lucratif semble parfois faire penser à certains interlocuteurs que vendre des prestations est déjà trop. De l'autre côté, et pour caricaturer le trait, renverser la perspective comme le suggère le titre de ce Café, c'est examiner un autre aspect de la concurrence « déloyale », entre des entreprises socialement et écologiquement irresponsables face à des entreprises de l'ESS durables. Ce débat prend actuellement une actualité marquante, que ce soit avec le développement des emplois de solidarité ou dans d'autres contextes. Il apparaît important de se réunir pour échanger sur nos expériences et nos pratiques, afin de pouvoir construire un argumentaire commun qui identifie les conditions cadre nécessaires pour pouvoir parler de concurrence loyale et désamorcer ces critiques.

 

  • A quelles conditions vendez-vous vos prestations sur le marché ? Avez-vous déjà été accusé de concurrence déloyale ? Quelles sont les réponses et les arguments que vous avez utilisés ? Voici quelques questions qui  ont servi de fil conducteur aux échanges de bonnes pratiques, complétées  notamment par les questions suivantes :
  • À quels problèmes de concurrence déloyale avez-vous déjà été confrontés ?
  • Quels seraient les conditions cadres justes pour assurer une concurrence loyale entre les entreprises de l'économie sociale et solidaire et les autres du marché ?
  • En particulier, comment justifier des soutiens financiers publics ?

 

 

Synthèse

Présents: 15 personnes représentant 9 organisations. APRES-GE, Boutique Ayni, OCE/SMPE, Vaisseau, Boîte à Boulots, Usine 21, Le Trialogue, Caddie Service, Le Courrier.
Excusés : Orangerie, Comptabilis, OSEO

Dans son propos introductif, Christophe Dunand, directeur de Réalise, rappelle ce qu’on considère habituellement comme concurrence déloyale de la part les entreprises de l’ESS : grâce aux subventions qu’elles reçoivent, celles-ci pourraient casser leurs prix. Reproche récurrent depuis de nombreuses années mais qui se fait entendre plus fortement ces derniers temps, peut-être à la suite de la crise et du ralentissement des affaires, peut-être du fait que l’économie solidaire gagne du terrain et de la visibilité. Or ce reproche ne tient pas, d’abord parce que une large partie de l’ESS se compose d’entreprises ne recevant aucune subvention (à APRES, il s’agit de 33% des membres), ensuite parce que les entreprises de l’ESS ont des coûts de production plus élevés que les entreprises marchandes lucratives du fait qu’elles intègrent les aspects sociaux et environnementaux avec des niveaux d’exigence élevés.

Jean-Noël Du Pasquier rebondit sur ce dernier point : pour qu’une concurrence loyale puisse jouer sur un marché, il faudrait que tous les acteurs soient sur un pied d’égalité et observent les mêmes conditions. Cela n’a jamais été le cas depuis le début de l’ère industrielle, et particulièrement pas aujourd’hui sur les marchés de l’ère néolibérale. La concurrence loyale est un mythe, utilisé par les plus puissants pour asseoir leur domination, car depuis plus de 2 siècles d’économie marchande il n’a existé qu’une seule forme de concurrence, la concurrence déloyale ! En ce qui concerne l’ESS, on voit que les milieux privés agitent l’épouvantail de la concurrence déloyale afin d’accaparer les marchés des biens anciennement considérés comme collectifs (en particulier l’enseignement, la santé, le social) et à ce titre gérés par l’Etat, soit qu’il produise lui-même ces services, soit qu’il mandate des associations reconnues d’utilité publique pour le faire. Or, le courant de privatisation véhiculé par le modèle néolibéral ouvre ces marchés aux appétits des entreprises privées lucratives et elles s’emploient à disqualifier leurs concurrents sur ces marchés, les entreprises de l’ESS, pour mieux occuper le terrain.

Le débat qui suit est quelque peu accaparé par la question de la LIAF, c-à-d ce contrat de prestation que les entreprises de l’ESS subventionnées par le canton doivent signer et qui leur impose un comportement proche des entreprises marchandes à but lucratif. Ce qui rejoint le thème de la concurrence par un autre bout.

Tous les participants sont convaincus de l’inanité de l’argument de la concurrence déloyale brandi par certains milieux . Il s’agit donc de préparer un argumentaire qui puisse démonter le mythe d’une économie de concurrence parfaite, démontrer la non pertinence des accusations de concurrence déloyale à l’encontre de l’ESS afin de le publier et de le diffuser.

 

 

 

A propos

Date de parution:
jeu, 04.03.2010 - 14:46
Thématiques: 
Achats publics
Concurrence

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