La gestion participative

4ème Café des bonnes pratiques, 6 novembre 2007

 

 

Introduction

Dans quelle mesure peut-on observer chez les entreprises de l'ESS une structure de fonctionnement qui soit différente de la gestion de l'économie marchande ? Le respect primordial de la personne humaine voudrait que les responsables de l'ESS excluent ou des méthodes de gestion dominatrices et hiérarchiques. L'idéal voudrait que tout membre d'une organisation de l'ESS ait son mot à dire et bénéficie d'une forme de pouvoir à la fois pour influer sur la bonne marche de l'organisation et pour avoir la maîtrise de ce qu'il y fait. Ce principe théorique nécessite dans la pratique une politique de gestion participative qui, loin de venir toute seule, requiert une volonté tenace de la part des responsables de l'entreprise. Pourtant, le contexte et l'histoire propres à chaque organisation, l'attention portée aux autres priorités ou tout simplement le manque d'imagination rendent parfois compliquée l'instauration d'une gestion participative adéquate. 

Ce thème s’est décliné autour des questions suivantes : 

  • Quelle est la place de chaque catégorie d'acteurs (collaborateurs, direction, comité/CA, bénévoles, usagers) dans les processus de décision ? 
  • Comment intégrer ces différentes catégories dans le bon fonctionnement et les décisions de l'organisation ? 
  • Quelles sont les conditions permettant d'instaurer une gestion participative ? 
  • Quelles sont les bonnes pratiques de gestion participative développées ? 
  • Quels obstacles rencontrez-vous dans la mise en place d'une gestion participative ? 


Nous avons demandé aux participants de réfléchir sur ces aspects, plus particulièrement sur la gestion participative dans leur organisation, dans le cadre des principes et des valeurs de l’ESS définis dans la Charte d’APRÈS. Ceci dans le but de partager leurs bonnes pratiques mais aussi les difficultés et les obstacles rencontrés au jour le jour. 

Ci-dessous, quelques liens en relation avec la thématique 

Définition de Management participatif sur wikipedia 

http://www.apromad.ch/man_man.htm 

http://www.ngomanager.org/ 

http://www.scn.org/gcad/modules/pm-inf.htm 

Bonnes pratiques des organisations de l'ESS: La gestion participative

Quelques éléments de base pour assurer une bonne gestion participative

  1. Transparence: avoir (et donner) accès à l'information est la première condition pour assurer une gestion participative. C'est indispensable, mais cela ne suffit pas. Donner la possibilité de participer, mais ne pas contraindre. Donner de l'espace aux sentiments, aux émotions, les laisser s'exprimer. Question des relations de pouvoir, notamment de genre. L'égalité homme-femme est un des points saillants d'une participation équilibrée. Approche intégrative globale: il est capital que chaque secteur se sente impliqué dans la marche de l'organisation.
  2. La gestion diffère beaucoup en fonction de la taille : plus l’organisation est grande, plus il devient difficile de communiquer et de se structurer horizontalement, ce qui exige une certaine hiérarchie. Les mécaniques peuvent donc varier passablement, les objectifs moins. Un danger est de penser qu'il y a des modèles tout faits qui peuvent convenir à toute organisation; chaque situation demande une approche spécifique. La participation varie fortement en fonction de l'environnement de chaque organisation. Lorsque l'association se développe dans sa première phase, les problèmes sont petits et peuvent se régler de façon très horizontale. Lorsqu'on on en arrive à devoir gérer des centaines de collaborateurs et bénéficiaires, il est nécessaire de redéfinir la structure et la gestion participative n'est plus la même.
  3. Gestion participative « directive » VS « horizontale (définie par la base de l'organisation): quelle est la plus adéquate ?
  4. Résolution des conflits: comment se résolvent les conflits internes ? Excellent indicateur de la qualité de la gestion participative.
  5. La gestion participative: 3 dimensions / étapes
    1. transmission de l'information et transparence aux collaborateurs
    2. les responsables sont informés par les collaborateurs et inversement (circulation dans les deux sens)
    3. la décision peut être prise conjointement ou indépendamment par les responsables, mais seulement une fois que l'information a bien circulé dans tous les secteurs et niveaux de l'équipe, que les réaction ont été récoltées et sont remontées aux décideurs.


Bonnes pratiques

  1. Convention collective de travail (CCT) / charte : une CCT très complète qui fixe les règles de participation et qui a comme objectif d'inclure les collaborateurs dans la dynamique d'innovation et de décisions constitue une bonne base de gestion participative. Une charte ou un règlement interne remplace parfois la CCT: l'essentiel est que les droits et devoirs des différents collaborateurs soient clairement définis au début de l'engagement. Le cadre est posé et on est dès le début au clair sur qui décide et qui exécute, dans quelle situation, avec qui et à quel moment.
  2. Colloques / réunions hebdomadaires avec tous les employés : en parallèle au comité, constitue souvent dans les organisations un des principaux espaces d'organisation, de délégation des tâches et de prise de décisions. Suivant le nombre de participants, le colloque n'est pas simple à gérer mais extrêmement riche du point de vue de la participation et de l'apport des collaborateurs. Grâce à la circulation de l'information, les choses avancent plus facilement: autrement dit, il vaut mieux perdre un peu de temps à faire des colloques hebdomadaires car on en gagne ensuite beaucoup.
  3. Fonctionnement des colloques / réunions : généralement, chaque personne a une voie égale et une bonne partie des décisions de l'organisation, surtout sur le plan exécutif (les grandes orientations politiques étant plutôt définies en comité et en AG), se prennent lors de cette assemblée, au vote et/ou au consensus. Sur le plan décisionnel, le lien entre le colloque et le comité prend plusieurs formes en fonction des organisations:
    1. Comité fort: dans certains cas, les discussions et décisions prises au colloque n'ont qu'un statut consultatif et symbolique, préparant le terrain pour des décisions formelles en comité, sans lequel rien ou presque ne peut être approuvé et mis en oeuvre.
    2. Validation du comité: Dans d'autres cas, le comité ne fait que valider ou rejeter les décisions prises dans le colloque, ce qui lui laisse tout de même le dernier mot. En général, la validation des décisions du colloque est une simple formalité, très peu de décisions étant remises en cause. Le comité fonctionne alors en fait seulement comme un garde-fou qui se permet d'invalider lorsqu'une décision va vraiment à l'encontre d'un objectif fondamental de l'organisation.
    3. Assemblée des collaborateurs forte : Enfin, dans des cas plus rares, l'assemblée des collaborateurs (ou colloque) a les plein-pouvoirs: elle prend les décisions et a le dernier mot. Le comité a alors un rôle purement formel. Il se peut que des membres du comité soit également partie prenante au colloque et inversement, ce qui peut éviter d'instaurer une trop grande distance entre les deux entités.
  4. « Autogestion » : gestion participative maximale: fonctionne en « régime d'assemblée ». Formellement, une équipe et un comité peuvent exister, mais en pratique ils sont totalement confondus, c’est-à-dire qu’aucun organe n’a plus de pouvoir décisionnel que l’autre. Responsables et collaborateurs participent aux assemblées décisionnelles sans différence de statut.
  5. Question du public: tout le monde peut voter, ce qui es très bien, mais comment les collaborateurs peuvent-ils disposer des compétences requises pour voter en toute bonne conscience et connaissance de cause ? Quels outils peut-on utiliser ? Parfois les questions de gouvernance dépassent les compétences de certains collaborateurs. Ébauche de réponse: Informer les collaborateurs en rappelant les faits, lister les actions possiblesmettre sur papier les prioritésrappeler les objectifs principaux afin d'éviter de discuter dans l'abstrait. Il ne s'agit pas d'orienter le débat dans un sens, mais de présenter objectivement les pour et contre d'une situationpour que les collaborateurs puissent donner pleinement leur avis.
  6. Gestion des réunions : dans l'objectif d'offrir le cadre le plus participatif possible, les réunions (ou colloques) sont organisées et conduites par un groupe d'animation ou une personne qui change de fois en fois, si possible en incluant tout les statuts professionnels.
  7. Organisation par secteur et responsables de secteurs : un secteur = 1 salarié + des collaborateurs (bénévoles, auxiliaires, stagiaires). Beaucoup d'organisations facilitent la division du travail en découpant les activités par secteur. Avantage: plutôt participatif et permet d'intégrer tout le monde, jusqu'au « bas » de l'échelle. Désavantage: la circulation de l'information est plus difficile entre les différents secteurs (donc mobilité réduite et moins de participation dans la gestion « globale »). Chaque secteur tient des réunions avec toute l’équipe et dégage des pré-décisions (propositions) qui sont ensuite rediscutées et validées lors des comités ou des colloques. Idéalement, on organise une journée par an une réunion avec tous les secteurs et le comité lors de laquelle on définit les grands objectifs. Ensuite, c'est le comité qui valide les propositions.
  8.  Secrétariat : organe qui est mis sur place dans certaines organisations pour établir un lien entre équipe (collaborateurs) et instance décisionnelle (comité, conseil). Il est complémentaire au colloque (plus large) ou le remplace. En général, il se réunit également une fois par semaine.
  9.  Comité : est généralement composé de personnes bénévoles ne faisant pas partie de l'équipe des collaborateurs (ne sont pas actifs dans l'opérationnel). Régulièrement, pour assurer une meilleure circulation de l'information et être plus proche des problèmes de terrain, quelques collaborateurs salariés peuvent participer au débat. Ces collaborateurs n'ont pas forcément le droit de vote (voix consultative), mais peuvent influencer le débat et se faire la voix des collaborateurs. Le pouvoir décisionnel du comité varie d'une organisation à l'autre : il peut être prédominant ou agir comme un simple organe de contrôle ou de validation (c.f. Point 3).
  10.  Collaborateurs : quand ils n'ont pas la possibilité d'être représentés au comité, peuvent éventuellement être membre de l'association, donc participer à l'Assemblée Générale et par conséquent aux décisions importantes sur la politique de l'institution. Dans d'autres cas, des collaborateurs sont membres de la Commission paritaire de l'organisation donc participent à la négociation de leurs conditions de travail (CCT). Parfois, bénévoles et bénéficiaires peuvent aussi faire partie de l'AG en remplissant un contrat.
  11.  Direction: selon les organisations, le directeur est davantage un coordinateur (les décisions se prennent en groupe, par exemple en colloque) ou un décideur (prend la majorité des décisions et/ou tranche systématiquement) . La réalité se situe souvent entre ces deux extrêmes. Dans le cas d'une direction prenant plutôt l'aspect d'une coordination, le directeur ne tranche pas formellement sur les questions importantes et tout est soumis au vote.Pour ce qui est des hautes responsabilités et décisions cruciales (par exemple des négociations avec l'Etat), certains responsables (directeurs ou coordinateurs) avouent être très directifs: il y a des choses qui doivent être décidées par les « boss » et qui ne se négocient pas (contraintes). Lorsqu'il s'agit de prendre des décisions qui engagent l'avenir de l'institution, c'est aux responsables d'agir. Cette position, qui peut d'un certain côté porter préjudice à une bonne gestion participative, peut faire débat et un certain nombre d'organisations pensent devoir faire des efforts sur ce plan. Il y a aussi le problème des compétences: tout collaborateur a-t-il le bagage pour prendre les grandes décisions ? Si ce n'est pas le cas, l'organisation ne doit-elle pas veiller à ce que les compétences soient mieux réparties entre différents niveaux de fonctions ?
  12.  Fondations: dans les fondations, le directeur a plus de prérogatives. C'est lui qui est chargé de la gestion (management). Il existe des groupes de travail et de réflexion mais aucune décision finale ne sort des ces groupes. Les décisions sont prises par le conseil de fondation. Lorsque le directeur a des doutes, des difficultés, il s'en remet en conseil de fondation. Dans certaines fondations, cette vision un peu caricaturale peut néanmoins être plus souple et une dynamique de gestion participative peut être pratiquée en dehors des décisions pures prises par le conseil de fondation et mise en application par le directeur (notamment dans le partage de l'information et l'intégration de tous les collaborateurs dans le processus de décision, même si au bout du compte, ce ne sont pas eux qui décident).
  13.  Bénévoles : sont généralement inclus dans le processus de décision, ont parfois une voix comme n'importe quel autre collaborateur. Plus ils sont nombreux dans l'organisation, plus cette dernière a intérêt à les intégrer au mieux dans les discussions, prises de décisions. La forme de leur intégration peut être multiple.
  14.  4 piliers pour la gestion participative :
    1. participation: quelques séances par an avec évaluations effectuées par les collaborateurs (et non les responsables de programmes, ce qui permet de casser un peu la hiérarchie), pendant lesquelles tous les collaborateurs peuvent s'exprimer.
    2.  Ouverture du statut de membre à tout collaborateur (peut participer aux AG) 
    3.  Evaluation permanente des responsables de projet sur leur programme (séances de partage): là, les collaborateurs ne sont pas présents. Cela requiert beaucoup d'énergie, mais les résultats montrent que c'est nécessaire. De même, des entretiens d'évaluation des collaborateurs (et non des projets) débouchent sur des dialogues très riches / ouverture intéressante sur des choses qui doivent sortir, sujets tabous. Outil: grilles d'entretien (avec auto-évaluation du collaborateur).
    4.  En tous les cas, il est fondamental que les décideurs aient beaucoup d'écoute à l'égard des collaborateurs, ce qui permet d'intégrer leurs problèmes et leurs revendications dans les réflexion qui débouchent sur des décisions. Cela permet aussi d'être plus proche du terrain.


Remarques:

La gestion participative, ce n'est pas tout le temps et partout : parfois, la délégation et le mandat sont des formes nécessaires et plus efficaces de gestion sans être antidémocratiques.

Certaines organisations n'ont jamais eu de vrai débat sur le management à appliquer dans l'organisation mais le processus participatif prend corps dans la pratique, de façon spontanée.

La « distance » structurelle entre comité (ou Conseil de fondation) et équipe est un problème dans de nombreuses organisations. Or, il n'y a pas de structure tout faite et idéale. C'est à l'organisation de fixer les règles de perméabilité entre les instances. Faciliter les outils de communication entre ces deux entités et engager des réflexions pour favoriser une gestion participative est donc souvent nécessaire et vital pour une organisation.

Pour en savoir plus

Quelques organisations de l'ESS qui peuvent vous inspirer davantage sur la gestion participative

Centre Social Protestant (CSP)

Le Trialogue

Association du journal Le Courrier 

Quelques références pour en savoir plus

ALBERT Michaël and HAHNEL Robin, The political economy of participatory economics, Princeton, Princeton University Press, 1991

BAIILARGON Normand, Une proposition libertaire: l'économie participative (à trouver sur le site internet www.parecon.org , qui rassemble les tenants de l'économie participative).

MEINZEN-DICK Ruth, MWANGI Esther, DHORN Stephanm, Securing the commons, CAPRI; Policy Brief Nr 4, may 2006. A trouver sur le site www.capri.cgiar.org

 

A propos

Date de parution:
mer, 07.11.2007 - 06:00
Thématiques: 
Démocratie/gestion participative
Gestion/management
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