Le piège de la pauvreté

Quelles conséquences auraient l'application d'un revenu inconditionnel pour tous vis-à-vis des inégalités entre les working poor et les bénéficiaires de l'aide sociale.

En Suisse, les working poor doivent payer des impôts à l’Etat, alors que les bénéficiaires de l’aide sociale n’y sont pas tenus. Cette situation peut devenir perverse. Seul un revenu de base inconditionnel pour tous serait à même de mettre fin à des aberrations de ce genre.

Joachim Anders (pseudonyme), spécialiste en marketing, n’a pas pu suivre le rythme effréné et le développement fulgurant des technologies; il a perdu son emploi et est tombé malade. Pour dépasser ce cap, il a essayé de se réorienter. Il travaille aujourd’hui à temps partiel comme journalier dans une entreprise de machines d’emballage ou comme ouvrier dans une exploitation agricole. Ce qu’il gagne mensuellement se situe en dessous du minimum vital. Pourtant, Joachim doit payer des impôts, car les cantons taxent même ceux qui n’ont rien, en dépit du bon sens et de la Constitution.

Absurdité des mécanismes coercitifs

La commune où réside Joachim lui suggère de recourir à l’aide sociale. Puisqu’il vit désormais des prestations d’assistance des pouvoirs publics, il n’a plus à payer d’impôts. Si par la suite, il travaille à temps partiel tout en touchant l’aide sociale, son gain sera déduit de ses prestations d’aide sociale. Au cas où son revenu atteindrait un jour le même niveau que ses prestations d’aide sociale, celles-ci seraient supprimées. Les autorités se mettraient alors à exiger de nouveau des impôts. Si ces impôts n’étaient pas payés, son salaire serait saisi. L’association bernoise d’assainissement des dettes écrit à ce sujet: «Les impôts ne sont pas pris en compte dans le calcul du minimum vital pouvant être recouvré légalement. Il est donc à peu près sûr qu’à l’issue de l’année où a eu lieu la saisie, l’Etat viendrait réclamer les impôts.» Dans le cas d’une personne seule, le minimum vital imposable pour le calcul de l’impôt fédéral direct se monte à 13'600 francs par an. La CSIAS (Conférence suisse des institutions d’action sociale) voit dans les charges fiscales une cause potentielle de pauvreté.

Paiement du service des contributions?

Il serait envisageable d’instaurer un impôt négatif sur le revenu, destiné aux couches de la population touchées par la pauvreté, comme le démontre l’étude menée par Gerfin/Leu de l’Institut d’économie politique de l’Université de Berne. Un ménage de travailleurs pauvres recevrait par exemple un crédit fiscal de 8'000 francs. Si une dette fiscale s’élevait à 5'000 francs, 3'000 francs seraient remboursés comptant. Le Conseiller national Paul Rechsteiner (PS/SG, Président de l’ Union syndicale suisse) souhaite que les bas revenus soient exemptés d’impôts. Une conférence nationale sur la pauvreté devrait définir un programme minimal à l’in-tention des personnes concernées: «L’objectif doit être de garantir les droits fondamentaux de ces personnes. L’exonération fiscale du minimum vital pourrait, entre autres, y contribuer» (ZeSo 4/06).

Revenu de base inconditionnel pour tous

Un impôt négatif sur le revenu serait un avantage pour les working poor disposant d’un revenu minimal. Les personnes sans revenu, au nombre desquels figurent également de nombreuses femmes mariées, sont oubliées, bien qu’elles soient aussi touchées par la pauvreté. Les disparités criantes qui existent entre les 26 chefs-lieux cantonaux au niveau des impôts, charges sociales et transferts accroissent encore l'injustice du système; pour une mère célibataire, la différence de revenu disponible peut atteindre 1'500 francs par mois. En juin 2007, la CSIAS a publié une étude sur la couverture du minimum vital dans le fédéralisme en Suisse. La solution la plus juste consisterait à verser à tous et partout un revenu de base inconditionnel, avec une redistribution du haut vers le bas.

A propos

Date de parution:
lun, 30.07.2007 - 06:00
Source: 
Mediendienst Hälfte Service d'information Moitié, Paul Ignaz Vogel - 16 juillet 2007
Thématiques: 
Assurances sociales
ESS
Politique salariale
Politiques publiques/lois

Partager