Politique salariale dans les organisations de l’ESS

2ème Café des bonnes pratiques des organisations de l'ESS, 4 septembre 2007

Introduction

Sensibles aux préoccupations de nos membres, nous avons choisi de traiter cet aspect de la gestion des dépenses dans une organisation de l’ESS, thème plus général qui avait été soulevé par les participants au précédent Café qui a eu lieu lors du Salon du livre en mai. 

Ce thème s’est décliné autour de 3 questions : 

 

  • Quel niveau et écart de salaires dans votre organisation et quelle en est la compatibilité avec les critères de l’ESS ? Pratiquez-vous le salaire unique ou avez-vous élaboré une échelle de salaires ? 
  • Quel degré de transparence trouvez-vous souhaitable ou pratiquez-vous au sein de votre organisation ? 
  • Existe-t-il une modulation des salaires selon l’ancienneté ou les qualifications des collaborateurs ? 

 

Nous avons demandé aux participants de réfléchir à ces aspects de votre politique salariale dans le cadre des principes et des valeurs de l’ESS définis dans la Charte d’APRÈS de façon à pouvoir partager leurs bonnes pratiques mais aussi les difficultés et les obstacles que rencontrés lors de l’élaboration de leur politique salariale. 

 

Bonnes pratiques des organisations de l'ESS: les politiques salariales

Les bonnes pratiques sont à considérer comme des objectifs qui définissent des orientations, une ligne idéale. On ne les observe pas chez toutes les organisations membres d’APRÈS, chambre de l'économie sociale et solidaire (ESS). Même si elles ne les appliquent que de façon imparfaite, celles-ci les reconnaissent comme des buts à atteindre.

Dans ce qui suit, on trouvera un relevé des pratiques réelles d’une partie de nos membres qui ont accepté d’en discuter. Il ne s’agit donc pas d’un relevé systématique, statistiquement représentatif, mais d’une construction progressive d’une base de référence qui sera complétée au fil du temps.

Salaires

De façon générale, la situation financière des organisations de l’ESS du bassin genevois est serrée, voire précaire. Cette contrainte financière forte pèse donc logiquement sur leur politique salariale.

 

  1. Le niveau des salaires est calqué sur ceux de la fonction publique (barèmes de l'Etat). Cette pratique non-écrite mais souvent appliquée par les organisations de l'ESS est d'autant plus valable lorsque l’organisation ESS est subventionnée. Dans quelques cas, le niveau est nettement plus bas, ce qui ne découle pas d’une volonté propre mais simplement d’une question de survie de l’organisation.
  2. Critères de fixation des salaires : dans la grande majorité des cas, les salaires sont établis en fonction de catégories / fonctions, donc en fonction du poste à occuper. Les critères appliqués varient fortement d’une organisation à l’autre mais, en général, on observe la volonté de refuser l’inégalité salariale hommes/femmes.
  3. Écart de salaires: se situe entre les facteurs 1 et 3.5 (= taux d'écart). En moyenne, l’écart observé est de 2 (ex: l'employé gagne 4'000 frs et un directeur 8'000 frs), ce qui est beaucoup plus restreint que dans l'économie privée marchande. Quelques organisations membres d'APRES, certes petites, appliquent un salaire unique indépendamment des fonctions.
  4. Données influençant le salaire: le niveau de formation, formation continue, ancienneté, situation familiale sont déterminants pour le niveau de salaire dans certaines organisations, et pas du tout pour d'autres qui considèrent que le salaire se fixe selon la fonction effectuée, indépendamment des caractéristiques des employés. Si la formation continue ne constitue pas très souvent un critère influençant le salaire, les organisations l’encouragent et la facilitent.
  5. Indexation des salaires au coût de la vie: c'est un principe généralement admis, tant que les finances le permettent: plusieurs organisations ne peuvent l'appliquer pour des raisons financières, alors que la volonté y est.

 

En résumé, on observe trois tendances fortes :

 

  1. Les salaires dans l’ESS genevoise sont similaires à ceux de la fonction publique. Ce ne sont pas des salaires de misère. L’ESS genevoise ne pratique pas de dumping salarial.
  2. L’écart entre les hauts et les bas salaires à l’intérieur des organisations de l’ESS genevoise est nettement plus petit que celui observé dans les entreprises privées marchandes.
  3. La gestion actuelle des entreprises privées marchandes fait dépendre le salaire du collaborateur de sa performance et de son efficacité par rapport à des objectifs prescrits par l’entreprise. Jusqu’ici, cela n’est pas le cas dans les entreprises de l’ESS genevoise, où les pressions à la rentabilité et la fixation de contrats d’objectifs ne s’appliquent pas encore. Cependant, cette situation pourrait se modifier par les exigences que l’Etat commence à demander systématiquement aux organisations qu’il subventionne.

 

Cadre / règlement pour les employés

 

  1. Convention Collective de Travail (CCT): Certaines organisations possèdent des CCT propres à leur domaine d'activité, d'autre n'en ont pas mais mettent en place une convention ou charte propre à l'association.
  2. Vacances et congé: en général, les employés ont 5 semaines de vacances. Mais la pratique diffère d'une organisation à l'autre lorsqu'on parle de jours de formation offerts (une organisation membre en offre 5) et de congé paternité (une organisation a un congé de 6 semaines à 50%).
  3. Heures supplémentaires: sont très fréquentes dans presque toutes les organisations. Dans la pratique, ces heures sont très généralement compensées (récupérées en congés). Il n'en reste pas moins qu'il n'est pas toujours établi comment on les considère et encore moins comment on les rémunère (heures pas rémunérées généralement, car les heures supplémentaires servent en quelques sorte à compenser des « trous » financiers, à dégager une force de travail supplémentaire sans plus de moyens). Si les heures supplémentaires ne sont ni compensées ni rémunérées, il s’agit alors en clair de bénévolat, bien que peu d’organisations clarifient ce point. Le collaborateur porte alors une double casquette, celle de salarié pendant les heures payées et celle de bénévole pendant les heures non payées. Une telle situation correspond à une baisse effective du salaire horaire moyen.

 

Résumé:

Les conditions salariales des collaborateurs des organisations ESS genevoises sont clairement définies par contrat, qu’il soit propre à l’entreprise ou participe d’une CCT. De plus, elles sont en général transparentes au sein de l’organisation. La gestion des heures supplémentaires fait problème. Elle est souvent implicite, non transparente et le problème du bénévolat concret qu’elles représentent est rarement affronté explicitement.

Formation continue

 

  1. Bien que les organisations de l'ESS n’aient pas souvent de politique structurée de formation continue, surtout les petites organisations, elles cherchent toutes à soutenir le perfectionnement professionnel et personnel de leurs collaborateurs. Le niveau de soutien à ce type de formation varie d'une prise en charge presque totale à aucune prise en charge (toutes les organisations n'ont pas un budget établi pour cela).
  2. Dans certains cas, la formation continue est obligatoire et générale (création de lien).
  3. La formation continue peut être destinée également aux bénévoles.
  4. Les formations peuvent être internes ou faire appel à des partenaires externes (par exemple dans le réseau ESS, moins cher et peut-être plus en adéquation avec l'esprit de l'organisation).

 

Résumé:

Le souci d’assurer la formation continue des collaborateurs dans les organisations de l’ESS genevoise est bien présent. Mais sa mise en application est très variable. Des obstacles très concrets s’y opposent : la situation financière précaire de l’organisation, le nombre restreint de postes de travail, la surcharge de travail qui en découle.

Bénévolat et personnes en réinsertion

Ce chapitre n’a été qu’effleuré dans la discussion sur les politiques salariales. Il a été traité en détail dans le débat sur bénévolat et ESS. Voir le rapport des bonnes pratiques sur ce thème

 

  1. Bénévoles: force omniprésente dans les organisations de l'ESS . Sont parfois considérés comme des professionnels, avec des exigences d'embauche et de cahiers de charge équivalentes aux salariés (bénévoles « modernes »), parfois comme des non professionnels à qui l’on ne demande que leur bonne volonté, leur engagement personnel et leur disponibilité (bénévoles à l’ancienne).
  2. Défraiements et accompagnements des bénévoles: varient passablement. Il arrive qu’ils soient semi-rémunérés ou indemnisés, mais en général ils ne reçoivent aucune compensation financière. Dans quelques organisations, ils reçoivent des formations au même titre que les salariés et sont considérés comme des professionnels.
  3. Réinsertion: certaines organisations de l'ESS embauchent et encadrent des chômeurs en fin de droits (ETC), dont elles ne supportent pas les charges salariales, ce qui augmente sans frais leur force de travail.

 

Résumé:

La question du bénévolat, qui joue un grand rôle dans l’ESS, doit être clarifiée afin d’établir des règles de bonnes pratiques pour l’ESS. L’emploi de chômeurs en fin de droits est actuellement soumis à une révision législative qui pourrait considérablement modifier la situation des organisations de l’ESS qui y recourent. Ces deux points méritent un traitement spécifique.

Questions soulevées et risques

 

  1. Attractivité des salaires dans l'ESS: y a-t-il une réelle attractivité pour des cadres avec un facteur d'écart de salaires si faible ? Plusieurs exemples d'organisations démontrent pourtant que les salaires sont assez élevés et attractifs (les travailleurs sociaux par exemple, ont un salaire équivalent à la classe 15 des barèmes de l'Etat).
  2. Attractivité des postes de travail : l’attractivité du travail offert dans les organisations de l’ESS tient au moins autant à la qualité du travail proposé (un travail qui fait du sens, dans lequel on peut s’impliquer, où l’on peut se réaliser)
  3. Assurances sociales: il faut pouvoir trouver une assurance qui soit en phase avec les principes de l'ESS (étude d'APRÈS en cours).
  4. Pour ce qui est du 2ème pilier et personnes âgées: les coûts des cotisations sociales (taux de prélèvement obligatoire) en terme de 2ème pilier (LPP) augmentent avec l'âge (pour l'employé comme l'employeur), ce qui défavorise l'embauche des plus de 50 ans. Comment donc éviter une discrimination envers les personnes âgées (les employeurs devant payer plus et les employés mettre davantage de salaire dans la prévoyance) ? Ebauche de solution: exemple de la CIEPP (caisse de pension de la Fédération des entrepreneurs romands, syndicat patronal des PME) : un plan de prévoyance calcule les contributions en fonction du principe de solidarité intergénérationnelle. Il y a une prime unique qui aplatit les coûts (les pourcentages sont plus élevés pour les actifs en bas âge et moins élevés pour les actifs âgés). Le plan d'épargne lisse les différences de traitement en instaurant une solidarité.
  5. Réduction de la hiérarchie: comment aplanir les salaires et rendre la structure moins verticale? Quelle structure avoir pour être en accord avec les principes de l'ESS?

 

Quelques solutions:

  1.  Créer un conseil des coopérateurs
  2.  Plusieurs responsables assument des fonctions égales plutôt qu'un directeur (idée d'un « pool » d'entrepreneurs sociaux avec autonomie de chacun sur les projets et aplatissement des salaires)
  3.  Donner des responsabilités à tout le monde
  4.  Former davantage
  5.  Un souci de taille: rapport entre bénévolat et travail salarié: Comment faire fonctionner ensemble les bénévoles et les salariés ? Bénévolat forcé ou inévitable ? Heures supplémentaires ou bénévolat ? Comment fixer dans l'ESS les salaires des bénévoles ou des personnes réinsérées pour éviter une forme de dumping salarial ?
  6.  Résolution de conflits et licenciements : le type de rapport avec le salarié rencontré souvent dans les entreprises de l’ESS (rapports de confiance, bonne volonté, large autonomie) empêche souvent une relation contractuelle claire. L’absence de procédure d’évaluation périodique, de politique de soutien pour résoudre les difficultés rencontrées par un collaborateur, et plus généralement de politique de résolution de conflits, laisse s’installer des non-dits, des pratiques déviantes ou insatisfaisantes, empêche une procédure correcte de licenciement lorsque cette mesure est devenue inévitable.

 

Pour en savoir plus: quelques organisations de l'ESS qui peuvent vous inspirer davantage sur les politiques salariales

Realise- entreprise d'insertion: www.realise.ch

Fondation Trajets: www.trajets.org

API (association pour le patrimoine industriel): www.patrimoineindustriel.ch

Entreprise sociale l'Orangerie: www.lorangerie.ch

 

 

 

A propos

Date de parution:
mar, 04.09.2007 - 13:49
Thématiques: 
Bénévolat
Politique salariale

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