Gouvernance : pouvoir économique, pouvoir démocratique

Il est facile de tomber dans le piège de croire qu’il y a une gouvernance d’en haut et une gouvernance d’en bas comme d’autres segmentent la France.


Il est facile de tomber dans le piège de croire qu’il y a une gouvernance d’en haut et une gouvernance d’en bas comme d’autres segmentent la France. La gouvernance d’en haut serait celle qui relève de l’exercice du pouvoir au sein des organes exécutifs. La gouvernance d’en bas serait, quant à elle, la relation avec les citoyens. Rapportée à l’entreprise, cette dichotomie fictive renverrait d’un côté au Conseil d’administration et autres comités de sélection ou de rémunération et de l’autre côté à la relation avec les petits actionnaires. Il semble que les entreprises du CAC 40 se soient focalisées sur la gouvernance d’en haut, plus noble à leurs yeux car synonyme du pouvoir économique.

Il n’y a en réalité qu’une seule gouvernance. Plus que des règles, c’est un processus insécable et continu sur toutes les strates de l’entreprise. C’est parce qu’elles inscrivent la question de la gouvernance dans ce processus, que les entreprises d’économie sociale donnent pleinement sens à leurs principes. Ceux-ci reposent sur l’exercice du pouvoir économique et du pouvoir démocratique. Comme l’a souligné Etienne Pflimlin lors du débat qui a suivi l’assemblée générale du GNC(1) début juillet, « le point-clé rarement abordé dans la gouvernance est celui de la décision ». Le président du Crédit Mutuel de poursuivre: « en cherchant ce qui pouvait différencier la gouvernance des entreprises coopératives et des mutuelles de la gouvernance des entreprises capitalistes, nous sommes immédiatement arrivés au mot “global’’, en ce sens que la gouvernance s’exerce à tous les niveaux ». Sociétaires, assemblée générale et conseil d’administration sont reliés par le fil de la démocratie, qui certes peut être parfois ténu ou difficile à tisser.

Mais les entreprises d’économie sociale s’efforcent quotidiennement de faire vivre la double qualité, pratique fondatrice des coopératives, mutuelles et associations et qui constitue la matière première de ce fil. Assureur-assuré, sociétaire-client, coopérateur- travailleur, sont les traductions concrètes de la double qualité auxquelles essaie de donner sens et corps l’économiesociale. C’est la double qualité qui permet d’allier pouvoir économique et pouvoir démocratique.

Nos débats ne sont pas nouveaux. « Que la démocratie politique soit imparfaite sans démocratie économique, c’est là un autre principe fondamental », avait déclaré, en 1969, le professeur P. Lambert au cours d’une session sur la démocratie coopérative contemporaine lors du 24e congrès de l’Alliance coopérative internationale à Hambourg(2). La Coopération, et plus largement l’économie sociale, portent la démocratie au sein des entreprises. Concurrence et technicité accrues, mondialisation, concentration interrogent depuis des décennies les entreprises coopératives dans leurs pratiques démocratiques. Parfois, les coopératives n’ont pas su ou pas pu relever ces défis. Mais, dans leur très grande majorité, les coopératives ont su créer une dynamique en intégrant ces contraintes. Elles se sont engagées dans un processus de réflexion au sein de leurs instances dirigeantes pour construire la démocratie.

C’est en partageant leurs pratiques au sein de l’économie sociale française comme sur le plan international, que les entreprises pourront améliorer notre gouvernance.

Mais c’est aussi en consolidant et développant la participation des sociétaires que de nouvelles pratiques pourront émerger. La gouvernance n’est pas seulement le système de démocratie élective sur lequel les entreprises d’économie sociale reposent. C’est aussi la responsabilité des sociétaires, consubstantielle de la double qualité que nous devons définir et animer. Pour ce faire, nous devons travailler à redonner sens à l’affectio societatis et réactualiser nos valeurs auxquelles adhérent, de façon plus ou moins passive, les sociétaires.

Nos pratiques ne sont pas figées, elles doivent continuellement évoluer dans le respect de nos valeurs fondatrices.

1 Les débats seront publiés à la rentrée dans une Lettre du GNC spéciale
2 Revue de la Coopération Internationale, volume 63 Nos 1-2 1970, ACI

   

A propos

Date de parution:
lun, 21.05.2007 - 06:00
Source: 
http://www.entreprises.coop
Thématiques: 
ESS
Gouvernance

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