Les systèmes de contrôle interne : pour qui, pour quoi, comment ?

19ème Café des bonnes pratiques de l'économie sociale et solidaire, 2 novembre 2010

Introduction

Que ce soit avec l’entrée en vigueur de la Loi sur les indemnités et aides financières (LIAF) en 2008 ou dans le cadre d’autres transferts financiers publics, comme avec les Mesures du marché du travail (MMT) avec l’OCE, des exigences en matière de système de contrôle interne ont été introduites. Comment mettre en place un tel système ? Quelle est la nature de ces contrôles ? Quel impact ces systèmes ont-ils sur le fonctionnement des acteurs de l’économie sociale et solidaire (ESS) et quel est le coût humain de leur mise en place? Est-il nécessaire de développer un SCI général pour l’ESS ? 

Bien que la part du lion des subventions genevoises soit destinée à ses anciennes grandes régies, l’État de Genève distribue quelques 350 millions de francs aux acteurs de l’ESS. La délégation des tâches par le biais de subventions a plusieurs avantages, dont la spécificité, l’adaptabilité et la proximité offertes par les organismes mandatés, pour n’en citer que quelques unes. Les membres de la Chambre de l’économie sociale et solidaire, APRÈS-GE sont donc sollicités d’abord pour leurs connaissances, valeurs et savoir-faire et ensuite chargés de rendre des comptes sur l’efficacité de leur fonctionnement et la qualité des prestations proposées. Dans cette logique, le système de contrôle interne représente une garantie interne de la qualité du processus.

Présents : 15 personnes représentant 10 entreprises membres d’APRÈS-GE, 4 privés, et une intervenante-membre Sandrine Meyer-Chanson de Comptabilis. Deux salariés, un stagiaire et un bénévole d’APRÈS-GE étaient également présents.

Synthèse

Présentation

Après une introduction par un-e spécialiste de la question et le témoignage de plusieurs membres, ce Café a été l’occasion de débattre des modalités d’instauration des SCI, ainsi que de la question centrale de l’autonomie, chère aux membres d’APRÈS-GE.

Dans une brève présentation sur les systèmes de contrôle interne (ci-après SCI), Sandrine Meyer-Chanson, directrice de Comptabilis, une fiduciaire de l’économie sociale et solidaire (ci-après ESS), a défini les fondamentaux du SCI (cf. présentation power point: Presentation Meyer-Chanson SCI) :

 

  • définition de base des SCI
  • différence entre les contrôles de gestion (efficience et efficacité) et les contrôles internes (gestion des risques, contrôle financier)
  • rapport entre objectifs de l’entreprise et éléments de contrôle interne
  • enjeux de la mise en œuvre d’un SCI et recommandations de départ.

 

Mme Meyer-Chanson a encore souligné que toute organisation a des systèmes de contrôle interne. Simplement il est ici question des processus de formalisation et de systématisation de ces derniers. Car un SCI doit d’abord être utile à l’entreprise qui le met en place. Il est un outil supplémentaire de prise de décision.

La partie débat a commencé par un rappel de Jean-Noël Du Pasquier : le SCI est une procédure formalisée qui, à elle seule, ne garantit en rien la qualité de travail effectué. Cependant, ce type de procédure est devenu actuellement quasi obligatoire et personne ne peut désormais s’y soustraire. Dès lors, la première question à se poser est : la mise en œuvre d’un SCI est-elle compatible avec les principes énoncés dans la Charte de l’ESS. Ou, dit autrement : comment faut-il structurer le SCI et organiser son application au sein de l’entreprise pour qu’il ne mette pas en péril ces principes ?

Voici les points saillants du débat qui a suivi

  1. Le regret de voir le rapport humain et la confiance mutuelle décrédibilisés par le SCI. De plus, le SCI est un outil figé qui ne tient pas compte des variables non contrôlables, tel que la météo pour une buvette. Il faut aussi se rappeler qu’un SCI est tout d’abord important pour la structure elle-même ! Plus le degré de formalisation des détails du SCI est grand, plus la marge de manœuvre de la gestion des problèmes inattendus est restreinte. Ainsi, dans certains cas, la reprise des dossiers d’un collaborateur en arrêt maladie est facilitée par le manque de formalisation de la répartition des tâches.
  2. Les très petites structures n’ont pas besoin d’un SCI. Cela étant, lorsqu’elle commence à croître, elle arrive à une taille critique à partir de laquelle une démarche qualité visant la formalisation des contrôles internes s’impose.
  3. Il faut réconcilier le principe d’autonomie qui figure dans la Charte de l’ESS et les SCI. D’après les expériences d’APRÈS-GE, les tâches doivent être distribuées selon les compétences des personnes. Cette responsabilisation de l’individu vis-à-vis de la structure et ses principes encourage la qualité du travail fourni. Néanmoins, bien que très bénéfique, cette décentralisation des compétences doit être faite de manière à ce que chacun sache exactement quelles sont ses responsabilités, car dans le cas contraire un risque réel de paralysie en cas de manque de communication existe.
  4. Le SCI peut fournir un outil pour l’optimisation des ressources. Il est en outre primordial que tous les collaborateurs comprennent le sens de tout SCI qui serait instauré afin de pouvoir bien le mettre en place et d’être au clair en ce qui concerne les compétences de chacun. Pour ce faire, celles-ci peuvent être divisées en compétences fonctionnelles, méthodologiques et sociales et devraient être recensées dans un dictionnaire des compétences dont les définitions sont rédigées en groupe, ainsi facilitant le travail et la compréhension et le soutien mutuels. Mais de tels développements représentent déjà des stades avancés du SCI qui seraient disproportionnés pour une entreprise de taille petite ou moyenne.
  5. Il est important de garder en tête le fait que lorsqu’on parle d’objectifs, on parle des objectifs de l’organisation et non pas ceux des collaborateurs. Tous les objectifs doivent par ailleurs être hiérarchisés, puisqu’il est impossible d’entreprendre des contrôles de tout en même temps.
  6. En ce qui concerne la Loi sur les indemnités et les aides financières (LIAF), elle n’est globalement pas adaptée puisqu’elle ne laisse que très peu d’espace pour l’instauration graduée d’un SCI. À titre d’information, un groupe de travail d’APRÈS-GE s’est penché sur les effets de l’entrée en vigueur de la LIAF. Il a été auditionné par la commission du Grand Conseil genevois chargé de la révision de la LIAF et lui a soumis les critiques et les propositions exprimées par les membres d’APRÈS-GE
  7. Un SCI sert à gérer des risques. Cela étant, les risques ne sont pas systématiquement négatifs car ils incarnent la transformation et l’avancement de la structure. Un membre a expliqué comment son organisation a mis en place un processus protégeant contre le risque de perdre de la créativité et la capacité d’innovation.
  8. Pour prendre l’exemple d’un membre qui propose des formations continues, depuis l’entrée en vigueur de la Loi sur les indemnités et les aides financières (LIAF) l’État demande que les participants effectuent des évaluations de satisfaction chiffrées. Cette demande étant contraire à sa charte, qui l’engage à respecter l’autonomie de la personne et à œuvrer pour son développement, l’entreprise a réussi à refuser cette exigence. À cet égard, il est important de rappeler la différence entre un objectif et un indicateur : le seul but d’un indicateur est de mesurer un objectif.
  9. Un membre a notamment exprimé une critique générale du principe même des SCI. Il ne comprenait pas le sens de se plier aux exigences des bailleurs de fonds en matière de contrôle interne. Les organisations de l’ESS se veulent une alternative cohérente à la logique managériale de marché.

 

À la fin du débat, le secrétaire général d’APRÈS-GE Thierry Pellet a évoqué la possibilité à la disposition des membres de saisir la Cour des comptes de deux manières : soit en demandant un diagnostic gratuit d’un SCI par la Cour sans conséquence aucune et sans frais, soit d’organiser une demi-journée de formation, comme celle qui a été organisée voici peu pour un groupe de communes genevoises, où seraient présentés des modèles simples de SCI et comment les mettre en place.

Recommandations issues du débat

  1. Minimalisme. Commencer avec le SCI le plus petit possible, le plus rustique. Ceci correspond aux exigences légales à satisfaire (comptabilité financière). Se fixer au départ des buts modestes.
  2. Gradualisme. Prévoir un SCI à structure ouverte, qui peut se compléter graduellement selon les besoins de l’entreprise.
  3. Vigilance. Contrôler à fréquence répétée que le SCI ne contredit pas les principes de bases de l’ESS (charte de l’ESS) et qu’il ne détourne pas subrepticement l’entreprise de ses buts et missions (charte de l’entreprise).
  4. Partage. On est plus intelligent à plusieurs que tout seul. Chercher auprès d’autres entreprises de l’ESS les meilleures solutions déjà trouvées pour mettre en place un SCI. Susciter des échanges et des collaborations entre membres d’APRÈS-GE sur la question du SCI.

 

A propos

Date de parution:
mar, 02.11.2010 - 05:00
Thématiques: 
Gestion/management
Se lancer dans l'ESS - fiches pratiques

Partager