Conventions collectives et ESS : état des lieux

18ème café des bonnes pratiques des organisations de l'ESS, 5 octobre 2010

La thématique qui abordée est celle des conventions collectives de travail :

  • lesquels parmi nos membres sont au bénéfice de conventions collectives de travail ?
  • Quels autres y réfléchissent ? Qu'est-ce que cela implique en tant qu'employeur ?
  • Faudrait-il une convention collective pour toute l’ESS, ou alors par branche d'activité?

 

Présents :

22 personnes représentant 18 membres, 2 représentantes syndicales (Anahid Paska Khani (UNIA) et Fatima de Souza (Syndicat interprofessionnel des travailleuses et travailleurs, SIT), un salarié, un stagiaire et un bénévole d’APRÈS-GE

Synthèse 

Après un bref tour de table et une présentation des deux représentantes syndicales présentes, ces dernières ont pris la parole dans le but d’expliquer de manière synthétique ce que c’est qu’une convention collective de travail (ci-après CCT) et à quoi elle sert.

Définition

La CCT est un accord passé entre les représentants patronaux et les salarié-e-s visant la définition des conditions de travail au sein d’une organisation ou d’une entreprise donnée. Elle peut s’appliquer soit à une entreprise isolée, soit à une branche ou à un secteur de l’économie. Elle constitue à la fois un complément aux lois générales faisant foi en la matière à savoir, notamment, le Code des obligations en Suisse, et une adaptation de ce dernier aux secteurs professionnels spécifiques.

Attention, un règlement d’entreprise interne n’est pas une CCT ; mais une déclaration unilatérale de l’employeur qui le fait signer par chaque salarié lors de l’embauche. L’employeur peut associer ses salariés à l’élaboration du règlement d’entreprise. Tandis que la CCT est nécessairement le résultat d’une négociation entre l’employeur (ou les employeurs dans une CCT de branche) et ses (leurs) salariés et leurs représentants syndicaux. La CCT est valable pour une durée déterminée, par exemple 4 ans. A l’issue de cette période elle est renégociée. Pour acquérir force légale, la CCT doit être soumise à l’Office cantonal de l’inspection et des relations de travail (OCIRT) pour les CCT au niveau cantonal ou au Secrétariat d’État à l’économie (SECO) pour celles négociées au niveau national.

Les représentantes syndicales ont rappelé que leurs syndicats respectifs restaient à disposition pour tout éventuel appui lors de la négociation d’éventuelles CCT.

D’entrée de jeu, les représentantes syndicales ont évoqué la problématique autour des Emplois de solidarité (EdS) financés par l’État de Genève (et dont les personnes placées jouent un rôle non négligeable dans l’ESS, notamment dans les petites structures). Elles ont dénoncé le danger de sous-emploi et du dumping salarial et ont souligné l’importance de la valorisation de ces travailleur-euses  plutôt précarisé-e-s.

Dans l’assistance, il semblait y avoir un consensus sur le fait que les salaires des personnes en EdS soient incontestablement trop bas. En effet, plusieurs membres ont même exprimé leur vœu de rémunérer les personnes en EdS comme n’importe quel autre employé, mais  que cette pratique leur est prescrite par la loi (cf. point 9 des bonnes pratiques, p. 3).

Pour les membres d’APRÈS-GE qui n’ont pas encore signé une CCT mais qui seraient intéressés de le faire, quatre pistes ont été évoquées :

  1. Ils signent une CCT déjà existante et qui concerne leur propre secteur d’activité (p. ex. l’hôtellerie / restauration)
  2. Ils créent une CCT d’entreprise (ad hoc)
  3. Ils décident de créer une CCT cadre pour toute l’ESS (standards minimaux)
  4. Ils rédigent, plus modestement, un règlement d’entreprise

 

Plusieurs membres d’APRÈS-GE qui ont conclu des CCT ont ensuite parlé à tour de rôle, invoquant entre autre les démarches entreprises pour les réaliser, la nature de leur convention, les difficultés rencontrées, etc. Voilà en 9 points quelques unes des bonnes pratiques évoquées :

  1. L’intérêt fondamental d’une CCT pour l’ESS porte sur la question de la légitimité qu’une convention collective donnerait à l’ESS du point de vue de la reconnaissance externe. En effet, il n’y a pas de raison qu’un vendeur salarié d’un membre de l’ESS ait des conditions de travail moins bonnes que celles d’un vendeur chez Manor.
  2. L’élaboration d’une CCT ne part pas de rien. Elle peut se baser sur une CCT déjà existante issue d’un domaine proche de celui de l’organisation en question. Il est à noter qu’en complément des CCT reprises de secteurs d’activité spécifiques, les règlements d’entreprises de certains membres permettent d’aller encore plus loin que ces CCT sectorielles.
  3. Une structure de l’ESS dont les collaborateurs travaillent dans divers domaines ne peut adopter différentes CCT à cause des inégalités internes que cela créerait. Par exemple, l’UOG a opté pour une CCT d’entreprise, élaborée avec le SIT et UNIA, puisqu’il n’existe aucune CCT en matière de formation et que ses collaborateurs émargent à différents secteurs d’activité. Il en va de même pour Trajets, qui est en cours de création du CCT d’entreprise.
  4. Une CCT constitue un apport fondamental qui clarifie les relations de travail entre la direction et les salariés. Il n’y a a priori pas de points négatifs, bien que les questions de coûts et de dépenses deviennent facilement des points de tension. En règle générale, créer une CCT signifie pour l’entreprise une hausse des coûts salariaux, en particulier de ceux liés à la protection sociale des salariés.
  5. L’exemple de l’Œuvre suisse d’entraide ouvrière (OSEO) témoigne de la qualité largement reconnue d’une CCT d’un acteur de l’ESS, elle peut être comparée à celle de la RTS (radio-TV). Il est à relever qu’elle est une structure plus grande que la majorité des autres membres d’APRÈS-GE. De plus, l’OSEO est une entreprise nationale et sa CCT a été négociée au niveau suisse.
  6. Alors que l’idée d’une CCT unique pour toute l’ESS semble difficile à réaliser vu l’hétérogénéité extrême des ses acteurs, celle de créer une caisse de pension (2e pillier) ou de proposer une assurance perte de gain (APG) communes paraît tout à fait appropriée. Deux avantages : obtenir de meilleures conditions et prestations de la part des assureurs grâce à la négociation collective et augmenter l’attractivité du travail dans l’ESS grâce à une offre de prestations sociales de qualité.
  7. Certains membres dotés d’une CCT ont observé une réticence de leurs salariés à se syndiquer, voire un désintérêt de leur part à créer une CCT (pourquoi une CCT alors que le règlement d’entreprise nous satisfait ?). Pour répondre à cette situation un membre d’Après pratique la cotisation de solidarité : pour un salarié qui refuserait de se syndiquer, l’entreprise prélève à la source le 0,5% de son salaire et le verse sur un fond servant à financer les travaux de négociation de la CCT. Cette pratique est bien connue dans d’autres secteurs de l’économie (l’imprimerie par exemple).
  8. Alors que certains exprimaient la crainte de voir leurs bailleurs de fonds mécontents de l’élaboration d’une CCT, ces derniers sont en réalité plutôt ouverts à l’idée puisque la CCT offre une garantie de qualité dans les relations du travail et signifie une relative homogénéité des pratiques sociales et salariales des entreprises qui reçoivent leurs dons ou subventions.
  9. Certains membres proposant des EdS relèvent que la loi et son règlement d’application les empêchent de verser la différence entre le salaire reconnu par l’État (max. 4'000.-) et le barème salarial interne correspondant. Cela étant, d’autres ont souligné que certains EDS n’ont pas une productivité 100% et ne sont donc pas en situation de retrouver un emploi dans le premier marché de l’emploi. Ainsi le positionnement salarial ne peut se résumer à augmenter les salaires, ce n’est pas si simple.

 

Cinq conclusions se dégagent de la discussion

  1. Les entreprises de l’ESS ont tout intérêt à se munir d’une CCT. Cela clarifie les rapports de travail internes et améliore l’image de marque externe.
  2. Créer une CCT unique pour toute l’ESS n’est pas réalisable à cause de :
    1. L’hétérogénéité des services offerts et, partant, la diversité des professions et secteurs d’activité.
    2. La difficulté de réunir l’assentiment de 250 membres, compte tenu de cette diversité.
  3. La solution appropriée consiste à ce que chaque membre d’APRÈS-GE se dote d’une CCT d’entreprise.
  4. APRÈS-GE devrait favoriser cet objectif en élaborant une CCT cadre que chaque membre pourrait ensuite adapter à ses besoins propres.
  5. Les membres présents à ce café souhaitent que le comité d’APRÈS-GE se saisisse de la question et désigne une groupe de travail dont le mandat serait d’élaborer un projet de CCT cadre, qui pourrait être soumis à la prochaine assemblée générale d’APRÈS-GE. En réponse à ce souhait, un groupe de travail pour une convention cadre de l'ESS a été crée. 

 

Exemples de CCT

 

Pour consulter toutes les CCT en vigueur dans le canton de Genève, veuillez consulter le site de l’OCIRT à l’adresse suivante : http://www.geneve.ch/relations-travail/cct.asp 

 

 

A propos

Date de parution:
mar, 05.10.2010 - 16:34
Thématiques: 
Cohérence/Déontologie/codes de conduite
Gestion/management
Management social
Politique salariale
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